Photo de couverture, @DR

Le wabi-sabi est un concept japonais esthétique et spirituel qui célèbre l’imperfection des choses. Il touche à l’art, à la littérature et au développement personnel, mais l’artiste Daniel Arsham a souhaité aller plus loin en appliquant le concept… à une Porsche 356.

Pas le premier coup d'essai

Baptisée Bonsai, cette 356 est la troisième Porsche que l’artiste américain Daniel Arsham a choisi comme base pour l’un de ses projets. Artiste emblématique de notre époque, Arsham s’efforce d’insuffler une nouvelle vie à notre quotidien, en tentant par exemple de relier le passé, le présent et l’avenir, souvent sous des formes inattendues. Avec ce nouveau projet, Arsham avait pour ambition de s’inspirer de la culture japonaise afin de travailler sur l’usure du temps. «Tout au long de ma carrière » explique l’artiste né à Cleveland en 1980,  «j’ai regardé le Japon comme une source d’inspiration pour leur amour et leur dévouement à l’artisanat. Ces sensibilités ont servi de base à la création du Bonsai 356 ».

La Bonsai, c’est une 356 Speedster de 1955 entièrement repensée selon le concept wabi-sabi, une acceptation de l’imperfection doublée d’une recherche de la paix dans le processus naturel du temps. En gros, il s’agit d’apprécier la beauté des choses imparfaites, humbles et modestes. Ainsi, pendant près de deux ans, Arsham s’est employé à révéler l’âge et l’usure de sa Porsche tout en s’intéressant à son histoire. Depuis son plus jeune âge, le new-yorkais vouait une passion pour la marque de Stuttgart et la 911 en particulier. On se souvient notamment de son projet Safari, une Porsche 911 Turbo de 1986 convertie en voiture de rallye et de son projet 930A, mais c’est pourtant sur une vénérable 356 qu’il a décidé cette fois de laisser courir son imagination : « La 356 occupe une position très intéressante dans le catalogue Porsche en tant que point de départ de la marque patrimoniale », précise Arsham. « Ce véhicule de près de soixante-dix ans contient les racines de la marque Porsche moderne que nous connaissons et aimons dans sa forme la plus pure. »

Le processus

Dans un premier temps, l’artiste a entièrement décapé la carrosserie de la 356, supprimant avec application les moindres traces de la finition d’origine et des restaurations suivantes, afin de la mettre à nue et d’en révéler les soudures ainsi que les effets inévitables du temps. En s’inspirant des procédés artisanaux japonais, le métal brut n’est plus désormais protégé que par une couche d’huile de lin. Sur la carrosserie nue, Arsham a ré-installé les éléments d’origine, chacun d’entre eux subtilement patinés par les ans, des pare-chocs aux poignées de portes en passant par les grilles de phare ou la plaque d’immatriculation personnalisée. Monté sur la grille du capot moteur, à l’arrière, un motif de Bonsaï en bronze fait office de signature du projet. Mais que l’on ne s’y trompe pas, sous l’apparence décatie de cette 356, tout fonctionne comme au premier jour. Le moteur 4 cylindres numéroté d’origine a ainsi été restauré à son état d’usine en collaboration avec Willhoit Auto Restoration (spécialiste de la restauration des 356 basé en Californie) et le réputé Bridgehampton Motoring Club.

Pour l’intérieur de la Porsche, Daniel Arsham s’est entouré de deux créateurs de mode japonais, Motofumi « Poggy » Kogi et Yutaka Fujihara qui ont choisi de recouvrir les deux sièges et l’intérieur du couvercle de coffre avec un tissu en patchwork Boro, une technique de raccommodage japonaise qui améliorait la qualité et la résistance des vêtements, également utilisée dans le folklore japonais. On note aussi l’usage du Denim Selvedge, une toile de Denim plus épaisse et plus lourde. Sur les garnitures de portes et le bord des sièges, du tissu en coton couleur indigo est ponctué de lignes de coutures Sashiko, une technique de broderie traditionnelle au Japon. Le ciel de toit est également recouvert de Denim japonais. Dans l’esprit du concept wabi sabi cher à l’artiste américain, ces divers tissus ont été choisis par Arsham en fonction de leur capacité à évoluer dans le temps et selon leur usage.

ARSHAM
Daniel Arsham @DR Flickr | Créateur & Crédit : Enrique Malfavon

Le souci du détail ira jusqu’à disposer, dans le coffre de la Porsche Bonsai, un tapis tatami japonais logé sous la roue de secours dans le compartiment à bagages. Ce style de natte, fabriquée en paille de riz, est un élément indissociable de la culture japonaise. On en retrouve fréquemment sous forme de revêtement de sol dans les habitations, ce qui a séduit Arsham, lequel souhaitait créer un lien entre l’intérieur de sa Porsche et l’architecture japonaise. Ce lien se nomme l’omotenashi, un concept qui met en valeur la chaleur et l’accueil des invités dans une maison. Si, outre l’imperfection, le wabi-sabi célèbre aussi la beauté des choses atypiques, la Porsche Bonsai de Daniel Arsham en est dès lors une parfaite interprétation. Elle sera exposée au Japon, par Porsche, à la fin de l’année.

Exergues :

  • 110 : Mais que l’on ne s’y trompe pas, sous l’apparence décatie de cette 356, tout fonctionne comme au premier jour.
  • 170 : La Bonsai une 356 Speedster entièrement repensée selon le concept wabi-sabi, une acceptation de l’imperfection, une recherche de la paix dans le processus naturel du temps.
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