À l’instar des héros d’une certaine série télévisée britannique, les gentlemen Jim Clark et Graham Hill se sont souvent affrontés dans la bonne humeur et la camaraderie.

La valse du GP 1969

« Prévenez Bette que je ne pourrai pas danser pendant quelques semaines » répondit Graham Hill après le crash de sa Lotus 49B qui lui brisa les deux jambes au Grand Prix des USA 1969, lorsqu’on lui demanda s’il avait un message pour sa femme. De l’humour, ainsi qu’une bonne dose de flegme, il fallait en être solidement pourvu, durant les années soixante, lorsqu’on s’installait derrière le volant d’une de ces minuscules monoplaces et plus encore lorsque ces dernières étaient conçues par le génial Colin Chapman dont les Lotus, notoirement fragiles, étaient parfois craintes par les pilotes. « Chapman était brillant, mais il n’accordait pas assez d’importance à ce qui se passait lorsqu’on menait la voiture à ses limites » se souvient Stirling Moss à qui il arriva parfois de perdre une roue de sa Lotus. « J’aimais bien Colin, mais il n’avait pas un sens de l’humour très développé, précise encore Moss. Après ma victoire au GP des Etats-Unis 1960, avec une Lotus privée, nous étions à un diner à la fin duquel on a apporté un gâteau surmonté d’une voiture en sucre. Le premier morceau que j’ai coupé était une roue et j’ai dit au serveur : ‘Allez la porter à M. Chapman’. Il n’a pas apprécié du tout ! »

Une rivalité bienveillante

Ironiser sur leurs accidents, se gausser de la mort qui chaque saison emportait l’un ou plusieurs d’entre eux, ces gentlemen drivers y parvenaient en faisant preuve hors course d’un sens de la camaraderie à toute épreuve. Ainsi, de 1962 à 1968, si Jim Clark et Graham Hill se livrèrent une lutte acharnée en course, dans des équipes concurrentes (Clark chez Lotus et Hill chez BRM) puis au sein du Team Lotus à partir de 1967, les deux pilotes restèrent les meilleurs amis du monde, partageant leur temps libre en famille et en vacances et se déplaçant ensemble d’une course à une autre. Il n’était pourtant pas gagné que ces deux-là s’entendent, la personnalité de Hill, quintessence du play-boy anglais pince-sans-rire aurait pu irriter Clark, l’écossais réservé qui rentrait dès que possible travailler à la ferme familiale.

Grand Prix Zandvoort - Domaine Public, Archives Nationales

Un duel sans pitié

Mais si ce respect mutuel dans le privé leur assurait un fair-play réciproque sur la piste, les deux amis ne se sont jamais faits de cadeau. Dans Jim Clark par Jim Clark, ce dernier raconte ainsi cette passe d’armes durant le Grand Prix de Monaco 1963 : « Maintenant que j’étais lancé, je pouvais commencer à attaquer Graham Hill qui était en tête sur BRM. Je le poursuivais, rognant virages et bordures, touchant même une fois un réverbère au virage du Gazomètre, en essayant de le rattraper. Je n’étais pas arrivé à la bonne distance pour le doubler que mes ennuis ont recommencé dans les virages : je venais à côté de lui, nous luttions jusqu’au virage suivant, le moteur recommençait à cafouiller et Graham me distançait… » Vingt tours plus tard, Clark parviendra à dépasser Hill et à conserver la tête jusqu’à un problème de boîte de vitesse qui provoquera sa sortie de piste. Hill retrouvera la première place et ne la quittera plus.

Pile ou face des monoplaces

En 1962, Hill devient champion du monde. Clark lui succède en 63. En 1965, Clark décroche sa seconde couronne avec Hill dans ses pots d’échappement. En 1967, camarades d’écurie dans le Gold Leaf Team Lotus, les deux hommes s’affrontent au volant d’une Lotus 49 pas toujours fiable si bien que Denny Hulme et Brabham empocheront les deux titres mondiaux. Partageant leurs réglages et sensations, Hill et Clark ne se verront toutefois jamais imposer la moindre consigne d’équipe par Chapman, qui leur témoigne une confiance aveugle. Excepté au GP des USA où les Lotus motorisées par l’américain Ford se doivent de faire bonne impression, si bien qu’un accord sera conclu pour la course à l’instigation, non pas de Chapman, mais de Walter Hayes, responsable de la communication chez Ford : « Il nous avait réunis tous les quatre dans la chambre de Colin, se souvient Graham Hill. Walter tenait à ce que nous figurions bien en course et ne voulait pas que nous nous battions tous les deux. Nous avons convenu que le mieux était de jouer à pile ou face pour décider qui franchirait la ligne en premier, au cas où nous serions tous les deux en tête à la fin. Le perdant serait compensé par la victoire au GP du Mexique. Il n’y avait aucune raison que nous nous poussions mutuellement à faire casser nos voitures». Si la pièce désigne Hill comme potentiel vainqueur du GP, c’est Clark qui partira en tête, se laissera doubler par son camarade, lequel, victime d’ennuis mécaniques à deux tours de la fin, finira deuxième derrière Clark !

Drapeau F1

Crédit photo : Shutterstock

Champion jusqu'à l'au-delà

Chez Lotus, si Graham Hill partage avec le boss une passion pour l’aviation, c’est véritablement avec Clark que le courant passe le mieux avec le fougueux ingénieur. Comme l’expliquait le journaliste Gérard Crombac qui les connut très bien, « les liens entre Jimmy et Colin allaient bien au-delà d’une relation pilote-constructeur. Ils étaient liés par une amitié profonde et la disparition de Jim toucha énormément Colin ». Le 7 avril 1968, alors que la saison de Formule 1 vient de débuter et que le duo Clark-Hill domine la concurrence grâce à une Lotus 49B enfin fiable, c’est dans une obscure course de Formule 2 à Hockenheim que Clark va trouver la mort à 32 ans. Employé modèle, Jim Clark roulait exclusivement pour Lotus et Chapman, que ce soit au Mans en Lotus Elite, aux 500 Miles d’Indianapolis (victoire en 1965), en Lotus Cortina au Championnat de Tourisme… ou en Formule 2. Graham Hill lui dédia son titre de Champion du Monde 1968.

Une anecdote...

Résume merveilleusement bien leur relation : « Nous sommes un jour allés de Cologne à Monaco en voiture, racontait Hill. Lorsque je conduisais, je le voyais se ronger les ongles ! Il n’arrêtait pas de me dire ‘Bon sang, fais attention, là !’ et lorsque je lui cédais le volant, il ne comprenait pas que je reste tranquille sans commenter sa conduite et me répétait ‘Bon sang, dis quelque chose ! »

Seul pilote à avoir remporté la triple couronne 24 heures du Mans / Championnat du monde de Formule 1 / 500 Miles d’Indianapolis, Graham Hill est décédé à 46 ans aux commandes de son avion privé, après s’être perdu dans le brouillard en novembre 1975.

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Crédit : Calvin Courjon
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