Crédit photo de couverture : Bonhams, @DR

Issue d’une longue lignée de Bentley exclusives et racées, assemblée par l’un des plus fameux carrossiers, la Continental ne pouvait que séduire un esthète tel que le photographe Helmut Newton.

Helmut Newton et sa Bentley Continental Type S

Bentley Continental

« La dernière Bentley offre un niveau de sécurité, de confort et de performances qui va bien au-delà de l’expérience, voire de l’imagination de la majorité des conducteurs ». Ainsi s’exprimait le magazine automobile Autocar en 1955, après avoir pris le volant de la Continental Type S. Le modèle permettait en outre à Bentley « de revenir dans le peloton de tête des voitures les plus rapides du marché » continuait le mensuel dont on ne sait s’il figurait parmi les titres préférés du photographe Helmut Newton qui eut un véritable coup de foudre pour la belle anglaise. Il en posséda un des plus beaux exemplaires durant huit ans, que la maison Bonhams proposait à la vente le 8 octobre dernier. « L’avantage du coup de foudre, disait l’humoriste Pierre Doris, c’est qu’il fait gagner du temps ». Et le temps, le photographe né à Berlin en 1920 et décédé en 2004 à Los Angeles, n’était pas résolu à en perdre lorsqu’il découvrit cette Continental endormie dans la concession Bentley de Paris. « Début 1964, raconte-t-il dans son autobiographie, je décidai de m’offrir une Bentley. Je me suis donc rendu chez Franco-Britannic, le concessionnaire Rolls-Royce et Bentley de Paris, où j’ai parcouru, avec un vendeur, le garage sous-terrain qui accueillait les modèles d’occasion. Je lui ai dit que je disposais de dix-mille francs, si bien qu’il m’a aussitôt dirigé vers quelques modèles Type R un peu déglingués. Mais dans un coin du garage, je suis tombé en arrêt devant une beauté bleu et gris argent métallisée ». Le vendeur calme immédiatement les ardeurs du photographe qui, à cette époque, s’est installé à Paris en tant que photographe indépendant. « Cette voiture appartient à Madame Peugeot, lui apprend le vendeur, elle s’en servait pour aller au golf et son prix est de vingt-trois mille francs. » Dépité, Newton quitte la concession. Un mois plus tard, il reçoit un chèque en paiement de ses travaux pour une agence de publicité, Scholz & Partner, qui correspond au franc près à la somme demandée pour la Bentley de Madame Peugeot. « J’ai couru jusqu’à Neuilly, raconte-t-il, j’ai tendu le chèque au vendeur et je lui ai dit : ‘Donnez-moi cette voiture ! Maintenant !’ Il m’a regardé comme si j’étais fou, mais j’avais enfin la voiture et je suis rentré chez moi dans un état de complète euphorie ».

Helmut Newton
Portrait d'Helmut Newton, crédit photo : Wikimedia Commons, @DR

Un modèle exclusif de véhicule de luxe

L’exemplaire tant convoité est rare. C’est l’une des seulement vingt-six Continental Type S carrossées par H.J. Mulliner qui aient été dotées d’une conduite à gauche, sur les 218 exemplaires que le carrossier anglais produisit pour Bentley. Tout comme la Type R, la Continental S n’était disponible qu’avec une carrosserie originale conçue par l’un des carrossiers habituels de la marque, H.J. Mulliner, Hooper, James Young et Park Ward proposant chacun leur version à partir du châssis de la Continental. Sur les quatre artisans, seuls Mulliner et Park Ward vont véritablement perdurer. Alors que Park Ward avait déjà été absorbé par Rolls-Royce en 1939, la marque de Crewe fusionnera l’illustre carrossier avec Mulliner acquis en 1959, pour former Mulliner Park Ward. Après la séparation de Rolls-Royce et Bentley en 1998, Mulliner va demeurer auprès de Bentley et assure aujourd’hui la personnalisation des modèles de la gamme. La Continental du photographe connu pour ses portraits de célébrités, est un modèle de 1956 livré neuf au nom de la Société Anonyme des Automobiles Peugeot avec une carrosserie deux tons (Silver et Black Pearl), l’intérieur en cuir marron clair et, entre autres options, un compteur de vitesse en km/h. Dès sa sortie, l’énorme automobile de plus de cinq mètres de long et d’un peu moins de deux tonnes va séduire le show-business et l’aristocratie anglaise dont les plus illustres représentants vont céder à son charme imposant et à ses redoutables performances qui permettent de naviguer à près de 190 km/h dans une atmosphère de salon anglais.

Caractéristiques techniques et design

Bentley Continental S1
Crédit photo : Flickr, @DR

En 1967, Helmut Newton confie sa Bentley à son vieil ami le réalisateur Eric Rohmer qui va la faire apparaitre dans son film La collectionneuse, tourné sur la Côte d’Azur avec Patrick Bauchau et Haydée Politoff, dans lequel la voiture appartient à un amateur d’art. Entre deux campagnes pour Vogue, Newton va également prendre le temps d’immortaliser sa Continental dont on trouvera les clichés dans son autobiographie. La voiture sera aussi photographiée par l’un de ses propriétaires suivants, un commissaire-priseur, devant le restaurant La grande cascade, une photo qui finira en couverture du livre « Bentley, toute l’histoire » paru chez EPA en 1983.

Jamais très satisfait des services fournis par la concession de Paris, Helmut Newton, qui roulait également en Mini, va prendre l’habitude de conduire la Bentley jusqu’à Genève pour en faire assurer l’entretien, et ce jusqu’au début des années soixante-dix. Après une première crise cardiaque, Newton ne va plus guère conduire le gros coupé au 6 cylindres en ligne de 4,8 litres, et le mettre finalement en vente en 1972. Revendue en 1978 par le commissaire priseur qui l’avait acquise, la Bentley comptera deux propriétaires successifs en Belgique, et un propriétaire de plus à l’issue de la vente Bonhams où la sublime auto était récemment proposée à la vente. Avoir été la propriété d’un des plus grands photographes contemporains confèrait ainsi à l’ex-Bentley d’Helmut Newton une valeur estimée entre 750 000 et 1 million d’euros lors de la vente Artcurial du Salon Rétromobile 2025 mais la belle anglaise n’a pas trouvé de nouvel acquéreur durant les enchères.

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