Jean-Paul Belmondo : Echappement libre
Photo de couverture, @DR
Pour le grand public, les relations de Jean-Paul Belmondo avec l’automobile pourraient se résumer en un seul mot : cascade. Mais bien avant que la route du comédien ne croise celle de Rémy Julienne sur le tournage de Ho! en 1968, Belmondo avait déjà montré un goût prononcé pour la vitesse et la prise de risque. Et pas seulement à l’écran.
De casse-cou à cascadeur
Sous le regard admiratif et protecteur de Rémy Julienne, Jean-Paul Belmondo a, en effet, beaucoup œuvré pour la ferraille française en lui confiant, au fil d’une carrière mouvementée, les restes de nombreux véhicules détruits dans des séquences mémorables. Intrépide et fougueux à la ville comme à l’écran, Belmondo s’est toutefois retrouvé dans des situations qui n’avaient pas toutes l’avantage d’avoir été imaginées et réglées par le légendaire cascadeur.
Ainsi, en 1960, l’acteur va être victime d’un accident qui selon ses propres mots, aurait pu lui coûter cher sur le plan moral et physique. À cette époque, il n’a son permis de conduire que depuis un mois, il vient de s’offrir une Renault Dauphine Gordini et il entame le tournage de Moderato cantabile de Peter Brook, avec Jeanne Moreau. « Un après midi de repos, raconte-t-il dans son livre « Trente ans et vingt-cinq films » paru en 1963, j’avais emmené avec moi dans ma Dauphine Gordini, Jérôme, le fils de Jeanne qui passait ses vacances en compagnie de sa mère. La route était glissante et sinueuse. Les routes charentaises sont les plus dangereuses de France, je ne l’ai appris que depuis. Pour faire plaisir à Jérôme, et aussi par goût personnel, j’utilisais ma petite voiture, nerveuse et assez rapide, au maximum. » À la sortie de Lorignac, Belmondo perd le contrôle de la Dauphine qui part en tonneaux dans un champs. Lorsqu’il se réveille à l’hôpital, il ne souffre que d’un poignet cassé mais le petit Jérôme, lui, est dans le coma. « J’ai cru devenir fou » confie l’acteur dévoré par les remords. Heureusement, le petit garçon est rapidement déclaré hors de danger et si Jeanne Moreau n’en voudra jamais à Belmondo (« elle ne m’a jamais fait le moindre reproche, ni la moindre allusion à mon imprudence habituelle »), il va devoir comparaitre au Tribunal de Saintes pour homicide involontaire. Au Président qui lui demande de confirmer qu’il ne possède le permis de conduire que depuis un mois, Belmondo répond sans trop réfléchir que c’est exact mais qu’il conduisait avant ! « Alors, vous conduisiez sans permis ? » s’étonne le Président. Un peu confus, l’acteur lui précise que son père l’accompagnait. « Bref, le substitut en a conclu que j’étais peut-être un bon acteur, mais qu’en tout cas, j’étais un mauvais conducteur ».
Dans ses mémoires, « Une machine à remonter le temps », le scénariste José Giovanni évoque le tournage du précédent film de Belmondo, Classe tous risques de Claude Sautet : « Belmondo me confie son inquiétude à propos de l’ambulance du film. Il doit la conduire, sait conduire mais n’a pas de permis. ‘Qui le sait ?’ Je lui demande. ‘Personne de la production’. ‘Personne, ça vaut largement un permis’. Est-il rassuré ? Sans doute. Peut-être… Car j’apprendrai que la flammèche amusée qui sautille dans son regard n’est pas le juste reflet de sa paix intérieure. »
Belmondo : passionné, pilote et collectionneur
À l’instar de son collègue britannique Peter Sellers qui posséda près d’une centaine de véhicules et en changeait si vite qu’il n’avait parfois pas eu le temps d’en refaire le plein, le garage de la star a vu passer, dès le début de sa carrière, une longue série d’écussons prestigieux et calandres renommées. Son image de jeune premier amateur d’automobiles sportives le fera d’ailleurs apparaitre en septembre 1961 dans un reportage intitulé « Jean-Paul Belmondo présente les voitures que tout jeune homme rêve de conduire » dans le cadre du Salon de l’Automobile. Réalisé sur le tournage de Cartouche (Philippe de Broca, 1961), on y retrouve Belmondo en costume d’époque posant dans les décors du film avec les stars automobiles de l’époque, Austin Healey, Alpine A108, Lotus Elite Climax, MG (A et Midget) et autres Porsche 356.
Aston Martin DB5 ayant appartenu à Jean-Paul Belmondo. Crédit photo : @Mathieu B – Rétromobile 2023, stand TEA Cerede
Durant les années soixante, après la Renault Dauphine Gordini accidentée et un cabriolet Peugeot 403, le succès aidant, le comédien va très vite être attiré par les Ferrari. Dès 1962, on le retrouve cheveux au vent et large sourire, taillant la route à plein vitesse au volant de son cabriolet 250 GT rouge dans une série de photos pour Paris Match à l’occasion du Salon de l’Auto. D’autres sportives de Maranello vont suivre, une 250 GT Tour de France et une California notamment. Amateur éclairé, Belmondo va aussi se frotter à quelques anglaises exclusives comme la Daimler Dart, revendue à son amie Maria Pacôme et dont le moteur cassera quelques jours après la vente, ou la très rare AC Ace-Bristol. Suivront une Morgan +4, une Lotus Elan S2 (endommagée par madame Belmondo) avant qu’il ne se laisse séduire par le modèle star de l’époque, rendu célèbre par James Bond, l’Aston Martin DB5 dont il possédera deux exemplaires, un gris et un bordeaux. A l’instar de la DB5, Belmondo est déjà une star. C’est l’époque de Cent mille dollars au soleil et des Tribulations d’un chinois en Chine. En 1968, sur le tournage de Ho! de Robert Enrico, Belmondo fait la connaissance de Rémy Julienne, cascadeur découvert et lancé par un autre ami du comédien, Gil Delamare. C’est ce dernier qui encouragera Belmondo à effectuer lui-même ses cascades à partir de L’homme de Rio en 1964. Cette amitié partagée avec le cascadeur décédé accidentellement en 1966 va les rapprocher. Mais ce n’est pas la seule raison de leur confiance mutuelle : « Jean-Paul voyait que techniquement, j’étais au point par rapport à ce qui se passait habituellement dans le domaine de la cascade automobile, explique Julienne dans ses mémoires « Ma vie en cascades ». Alors, ça lui a donné le goût, ça lui a donné l’idée. Lui était déjà techniquement très capable… Et gonflé ».
Fidèle à Fiat pour qui il réalisa nombre de publicités vantant la solidité des petites italiennes, Julienne va confier plusieurs modèles de la marque au comédien casse-cou dans les thrillers et comédies de Georges Lautner. Une Ritmo dans Flic ou Voyou, une 131 Supermirafiorio dans Le Professionnel suivie d’une Uno dans Joyeuses Pâques. Quant à la 124 Special T qui sème la panique dans les rues d’Athènes dans Le Casse de Henri Verneuil, contrairement à la légende, c’est bien Julienne et non Belmondo qui la pilotera, le comédien n’étant pas disponible au moment du tournage de la fameuse séquence. Qu’importe, grâce à Julienne, Belmondo va briller au volant de bien d’autres véhicules : Matra MS630 (Ho!), Mercedes 350 SLC (L’Alpagueur), Caterham Super Seven (Flic ou Voyou), réplique de Mercedes 540 K (L’As des As) et Ford Mustang 1967 (Le Marginal), autant de voitures pilotées sans doublure par la star. « Jean-Paul aurait pu devenir cascadeur professionnel si son talent ne l’avait conduit ailleurs » dira de lui Rémy Julienne.
Pilote de père en fils
Avec un tel coup de volant, il n’eut pas été très surprenant que l’intrépide Jean-Paul Belmondo, féru de vitesse et de sport, se frotte à la compétition automobile à l’image d’un Steve McQueen. Ce sera son fils, Paul, qui s’y consacrera, entre autre durant deux saisons de Formule 1 et de nombreuses participations aux 24 Heures du Mans. « C’est en fait moi qui lui ai donné le goût de l’automobile, expliquera l’acteur au site Car Life en 2015. Quand il était petit, j’avais de très belles voitures et il adorait ça. Et comme je conduisais très vite, il s’est rapidement passionné pour le pilotage. Je me souviens l’avoir emmené au Grand Prix de Monaco, il devait être âgé de neuf ou dix ans. Nous avions discuté avec Jackie Ickx avant le départ et il lui avait dit : tu feras de la Formule 1, mon petit. »
C’est peut-être en conduisant le cabriolet Maserati Ghibli de son père, installé sur ses genoux, que le tout jeune Paul aura contracté le virus du pilotage. A moins que ce ne soit à bord de sa Dino 246 GT acquise dans les années 70, une stricte deux places dans laquelle Belmondo Jr. devait partager le siège passager avec sa soeur Florence.
Ses bolides des années 80
Durant les années quatre-vingt, un cabriolet Mercedes 190 SL bordeaux rejoint l’écurie de la star tandis que sur le tournage de L’As des As (Gérard Oury, 1982) Bébel partage l’affiche avec le jeune comédien Rachid Ferrache, dix ans, qu’il installe lui aussi sur ses genoux pour lui faire conduire sa Ferrari 308 GTS. Parmi ces beautés, quelques curiosités comme la Renault 5 Alpine et surtout la Panther Lima, ce cabriolet anglais produit à 897 exemplaires, « propulsé » par un 4 cylindres Vauxhall et dont les lignes semblaient vouloir s’inspirer d’une Bugatti. Au cinéma, le rythme des cascades va se ralentir après l’accident survenu sur le tournage de Hold up d’Alexandre Arcady en 1985. Une ultime pirouette supervisée par Rémy Julienne le fait passer d’un cabriolet Chevrolet Camaro Z28 à un hélicoptère dans Une chance sur deux de Patrice Leconte, en 1998, une cascade en forme d’hommage et d’adieu à sa carrière de comédien-cascadeur. L’Incorrigible a 65 ans et Julienne n’en revient pas : « Sur le moment, j’ai cru à une boutade de sa part, mais quand il s’est avéré qu’il ne plaisantait pas, les producteurs, Patrice Leconte, les assureurs et moi-même avons tout fait pour l’en dissuader. Ça nous paraissait bien trop risqué. » Trente-huit ans après Borsalino, Belmondo partage l’affiche du film avec Alain Delon et les deux géants passent le tournage à se taquiner : « Quand il arrive un jour sur le tournage en hélicoptère siglé à ses initiales, raconte Belmondo, je ne résiste pas au plaisir futile d’atterrir, moi aussi, le lendemain en hélicoptère. Et quand je gare ma Ferrari à côté des caméras, Delon, dans la nuit, fait descendre la sienne de Paris sur les lieux du tournage… »
Les dernières frayeurs
Suite à son AVC de 2001, Belmondo se fera désormais conduire dans de puissantes berlines allemandes. En 2015, à bord d’un cabriolet Rolls-Royce, il connaitra quelques frissons dignes de ses exploits cinématographiques après l’explosion d’un pneu sur l’autoroute A8. Au volant, son ami l’écrivain et réalisateur Jeff Domenech parviendra à stopper le lourd cabriolet après une longue glissade, un tête à queue et un choc à 50 km/h contre une glissière de sécurité. À peine secoué, Belmondo apparaitra quelques heures plus tard dans les tribunes de Roland-Garros, hilare aux côtés de Charles Gérard. La rigolade après les cascades : une sorte de routine, en somme, qui résume parfaitement la formidable épopée du Magnifique.
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