Photo de couverture,  Pompidou sortant de la Porsche 356S tandis qu’un majordome tient la portière à Madame- @DR

Imagine-t-on, en 2024, le président Macron garant sa Porsche dans la cour de l’Élysée, une cigarette aux lèvres ? Durant le mandat de Georges Pompidou, cette scène n’avait pourtant rien de surnaturel…

De la DS présidentielle à la Porsche 356S

Si le Général de Gaulle est associé aux DS noires, Jacques Chirac à la CX Prestige et François Hollande aux scooters, Georges Pompidou restera dans les mémoires comme le président qui roulait en Porsche. C’est à l’automne 1961, alors qu’il siège encore au Conseil Constitutionnel, qu’il passe commande de sa 356S T6 couleur Schiefergrün (gris ardoise, code 6201C), un exemplaire qui sortira des chaînes de production en octobre 1962. Six mois auparavant, De Gaulle l’a nommé Premier Ministre et bien que la majorité de ses déplacements se fera désormais sur la banquette arrière des Citroën DS de fonction, le couple qu’il forme avec son épouse Claude continuera d’utiliser le bolide allemand durant de nombreuses années. C’est pour la retrouver le vendredi soir dans leur propriété d’Orvilliers dans les Yvelines que Pompidou se servira le plus souvent de la 356, remplacée sur place par une plus polyvalente Renault 4L. « On dit que le jeu favori de Monsieur Pompidou, qui appréciait la conduite sportive, était de semer ses escortes sur la route ! » raconte Cyrille Van Belleghem, directeur des Centres Porsche Paris. Après la démission de Charles de Gaulle, Georges Pompidou se présente aux élections qu’il remporte le 15 juin 1969. La France vit alors les dernières années des Trente Glorieuses et le Président Pompidou va marquer son mandat par un désir de modernisation qui touchera notamment les transports. Il voyage en Concorde, lance le programme du train à grande vitesse… et conserve sa Porsche 356 dont il partage le volant, quoique plus rarement désormais, avec son épouse. « C’était toujours la bagarre entre eux pour savoir qui conduirait la Porsche lorsqu’ils partaient en week-end » racontait en 2018 Alain Pompidou, fils du couple présidentiel.

George Pompidou
Georges Pompidou - 1er décembre 1969.@DR

Accueillir une Reine

C’est également sous le mandat de ce président décidément passionné par l’automobile qu’en 1971 va être commandée au carrossier Henri Chapron, la fameuse limousine cabriolet Citroën SM présidentielle destinée à remplacer la DS 21 d’apparat conçue seulement trois ans auparavant par le même Chapron. Pompidou doit en effet recevoir la Reine Elizabeth II en mai 1972 et il compte bien lui faire descendre les Champs Élysées en sa compagnie dans une limousine découvrable. Trois exemplaires de la SM seront ainsi conçus, dont deux pour l’Élysée, à près de 700 000 euros l’unité ! Autres temps, autres mœurs… Durant son mandat, celui qui préconisait que l’on cessât « d’emmerder les français » et déclarait que « le français aime la bagnole », va aussi réagir à l’augmentation des accidents de la route en créant le Comité interministériel de la sécurité routière ainsi que le Ministère de l’Environnement qu’il confie à Robert Poujade. Si on lui a parfois prêté la formule « il faut adapter la ville à l’automobile », il déclare cependant en novembre 1971 que « la voiture existe, il faut s’en accommoder et il s’agit d’adapter Paris à la fois à la vie des Parisiens et aux nécessités de l’automobile à condition que les automobilistes veuillent bien se discipliner… » Lors de sa visite annuelle au Salon de l’Auto, le Président amateur de véhicules sportifs ne manque jamais de se rendre et de s’attarder sur les stands de Porsche et d’Alpine, une habitude qui de nos jours ne manquerait pas d’enflammer les réseaux sociaux.

Une Porsche orpheline

Porsche 356S du président Pompidou –  Crédit : Porsche,  @DR

En avril 1974, Georges Pompidou décède après quatre années et neuf mois passés à l’Elysée. La Porsche 356 est conservée par sa famille jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix lorsque Mme Pompidou prend contact avec Porsche. « Elle avait décidé de se séparer de la voiture, explique Cyrille Van Belleghem, mais elle ne souhaitait pas la vendre à un particulier. Elle s’est donc adressée à Porsche France pour demander à ce que la 356 intègre le patrimoine de la marque. Porsche s’en est ainsi porté acquéreur et a entamé la restauration de la voiture en 2002 ». La restauration minutieuse et soignée de ce véritable véhicule historique va révéler quelques caractéristiques dont une, en particulier, attise encore l’imagination des amateurs d’histoire(s). « Sur l’un des sièges en Skaï, (couleur fauve / Hellbraun) les selliers ont remarqué une petite trace de brûlure et on a toujours supposé, mais ce n’est vraiment qu’une supposition, qu’il s’agissait d’un trou provoqué par une cendre de cigarette du président ».

Crédit Pgoto : Porsche, @DR

Aujourd’hui, la 356 roule peu, mais elle est fréquemment exposée au Porsche Historic Center qui a été ouvert en 2014. « Parmi les passionnés de Porsche, tout le monde connait la 356 du président Pompidou. Cela fait partie de ces belles histoires françaises que l’on peut raconter autour de Porsche. C’est une auto que les passionnés voient régulièrement au Porsche Historic Center ».

S’il existe une photographie montrant Pompidou sortant de la 356  tandis qu’un majordome tient la portière à Madame, apparemment prise dans la cour de l’Élysée, (CF photo de couverture de cet article), bien rares sont les documents qui témoignent de cette longue histoire qui unit la Porsche au couple présidentiel. Aujourd’hui, l’historique de la Porsche réside principalement dans le seul exemplaire du book de la restauration qui retrace les différentes étapes de cette dernière, « un exemplaire que nous conservons précieusement » précise Cyrille Van Belleghem tant ce véhicule et son étonnante histoire témoignent d’une époque aujourd’hui et pour toujours bien révolue.

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