ASTON BEST SELLERS – Aston Martin DB4 GT
Acheteur compulsif de véhicules exclusifs, le comédien Peter Sellers a possédé une centaine de voitures dont cette Aston Martin DB4 au pedigree exceptionnel.
Texte / Raymond Teverdi.
Peter Sellers, le berline addict
Ses premiers cachets, le comédien anglais décédé prématurément en 1980 à l’âge de 54 ans, les a rapidement convertis dans ce que l’industrie automobile proposait de plus exclusif. Ferrari 250 GTE et 275 GTB, Rolls Royce Silver Cloud, Bentley Continental, Jaguar XK140, Aston Martin DB5… l’interprète de L’Inspecteur Clouseau et de La Party, passionné mais compulsif, revendait parfois ses autos avant même d’en avoir refait le plein. Spike Miligan, son complice de l’émission radiophonique The Goon Show, les appelait « ses sous-vêtements en métal » car il arrivait à Sellers de changer de voiture presque quotidiennement. « Peter n’avait que peu d’amis sur lesquels il pouvait compter, se rappelle quant à elle sa seconde épouse, l’actrice Britt Ekland. Et ses voitures ne le contrariaient jamais ». Sellers va même débaucher d’Aston Martin le jeune Richard Williams pour veiller sur ses bolides et berlines de luxe, logeant le jeune homme dans une chambre au-dessus du garage de sa résidence d’Elstead.
Lui conférant une place de choix parmi les innombrables voitures de Sellers, cette DB4 GT est l’une des rares à avoir partagé l’affiche d’un film avec lui. En 1967, il avait fait engager sa Ferrari 500 Superfast dans Torero malgré lui, de Robert Parrish, quelques années après que cette DB4 GT soit apparue à ses côtés dans Jules de Londres (de Cliff Owen, 1963). Version plus sportive de la DB4 lancée en 1958, la DB4 GT était apparue un an après, et son potentiel n’avait pas tardé à se révéler grâce à la victoire de Stirling Moss au volant du prototype DP/199 à Silverstone la même année. « Les modèles précédents manquaient de puissance, dira le magazine anglais Motors en 1967, et les suivants, DB5 et DB6, avaient pris du poids et faisaient plus figure de GT rapides que de véritables purs sangs. Pour beaucoup, la DB4 était la meilleure des Aston d’après-guerre.»
@DR Pixabay
Pour une DB4 GT Dubonnet Rosso
Avant son bref séjour dans le garage de Peter Sellers, notre DB4 GT avait été livrée neuve en mars 1961 au plus gros concessionnaire d’Angleterre, KN Rudd Ltd, à Worthing, en tant que véhicule de démonstration, dans une teinte Dubonnet Rosso et avec deux sièges arrière, l’une des seulement trois DB4 GT ainsi pourvues. Moins d’un an après, la voiture est engagée dans la comédie policière Jules de Londres dans laquelle Sellers incarne Pearly Gates, un gangster notoire. C’est pour Sellers la période d’une ascension fulgurante. Il vient de tourner Lolita pour Stanley Kubrick et s’apprête à démarrer la longue série des Panthère Rose avant de retrouver Kubrick dans Dr. Folamour. C’est hélas aussi l’époque de ses premiers malaises cardiaques. Féru de technologie et de gadgets, Sellers a désormais les moyens de s’offrir les meilleurs caméras et appareils photos, les chaines hifis les plus perfectionnées et les voitures les plus exclusives. Sur le tournage de Jules de Londres, la DB4 GT lui tape dans l’œil si bien qu’il va s’en porter acquéreur dès le film mis en boîte. D’autant que cet exemplaire est unique. Soumise à rude épreuve durant la production, la voiture va être endommagée et son 6 cylindres 3,6 litres se verra remplacé, à l’usine Aston Martin, par le futur 4 Litres qui n’apparaitra que quatre mois plus tard dans la nouvelle DB5, faisant de cet exemplaire le seul des 76 produits de 1959 à 1963 à être ainsi équipé. « Un jour, se souvient Richard Williams, Peter m’appelle et me dit de venir chercher l’Aston et de la vendre ». Le jeune mécanicien a du mal à le croire, tant Sellers semblait entiché de la belle anglaise, mais la star a déjà repéré son prochain jouet. Peu de temps après, un cabriolet Aston Martin DB5 équipé d’un téléphone pendra la place de la DB4 dans un des boxes de la maison d’Elstead.
Les héritiers du modèle
Une dizaine de propriétaires vont succéder à Sellers derrière le volant de la DB4GT, dont un en Nouvelle-Zélande. En 1999, elle est repeinte dans sa teinte actuelle, Goodwood Green, qu’elle arborait en juillet dernier lorsqu’elle a été proposée à la vente aux enchères de Bonhams, durant le Festival of Speed de Goodwood. Hélas, la fourchette optimiste de 2,5 à 3 millions d’euros n’a pas été atteinte et son propriétaire depuis 2004 a conservé l’Aston Martin. Revendre une voiture au bout de 19 ans, voilà qui n’aurait pas manqué de surprendre Peter Sellers !
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