Par Roland Borghini

Pour franchir la barre des 500 ch

Vous avez aimé la 550 ? En tout cas, nous, nous l’avons toujours adorée. Souvenez-vous, depuis la mythique 365 GTB / 4, la fantastique Daytona sortie en 1974, c’était la première fois que Ferrari osait revenir aux moteurs avant. Après les années de disette en « central arrière » des Testarossa et des 512 TR, il fallait oser défier la mode en choisissant le tout à l’avant. Avec sa 550, la main de Ferrari n’a pas tremblé. Les 3000 voitures, vendues à un prix de 240.000 € pièce (!) n’ont pas suffi à étancher la soif de conquête de la marque. Après la magnifique et rare version Barchetta — un roadster exclusif au pare-brise ultra-incliné et à la capote minimaliste – les ingénieurs de Modène décident donc de faire évoluer encore leur vaisseau amiral. Ils s’attaquent d’abord au moteur en augmentant sa cylindrée. Le nouveau V12 est un 5.7l. Sa puissance passe à 510 ch ! A l’extérieur, rien de bien nouveau. Des phares au xénon et une calandre plus agressive. Et, pour les amoureux du détail, un tout petit changement sur la malle arrière permettant aux super-spécialistes de faire la différence, de dos, entre les deux modèles. 

Ferrari 575M

Le cockpit est aussi redessiné, les freins agrandis, les pneus et les jantes élargies. La bête est disponible en boîte F1 séquentielle, embrayage robotisé en option avec contrôle au volant par palets. Mais, le passage des rapports est très lent. Au point que, c’est la boite mécanique qui va emporter la préférence des clients. « La 575 est plus lourde que sa grande sœur, la 55, » explique Christophe Decronembourg, patron d’Eliandre Automobile. Les vitesses de la boîte F1 passent avec un temps de réaction infiniment long. Un problème qui n’est pas sans rappeler celui de la F355, frappée du même défaut. Ses suspensions sont aussi trop assouplies. Le châssis Fiorano disponible en option corrige le problème. Il est même inclus dans le kit handling GTC ». Des versions assez rares. Le saint Graal restant dans ce domaine le modèle Superamerica. « Un sublime cabriolet façon roadster, continue Christophe, dont le toit transparent s’ouvre en pivotant en ellipse vers l’arrière, en s’intégrant à la malle. Il n’a été produit qu’à 559 unités ». Un système ingénieux breveté par l’inévitable designer Leonardo Fioravanti. Il s’agit d’un toit en verre, escamotable, qui pivote à 180° sur lui-même pour venir se lover entre les montants de la custode.  Il a fallu développer le verre très épais de cette glace unique avec les spécialistes de Saint-Gobain, afin qu’il bénéficie de caractéristiques électrochromiques permettant de faire varier la luminosité selon cinq degrés, commandée à partir du tableau de bord ! Des caractéristiques sans toit qui n’enlèvent rien aux qualités exceptionnelles de ce véhicule qui a marqué l’histoire de l’automobile. Qu’elle soit 550 ou 575, la Maranello fait bien plus que séduire, elle envoûte.  En témoignent les mots d’un adorateur du V12. Francois Tauriac, journaliste, patron du magazine Auto Heroes, a presque vendu son âme à la diablesse de Marenello. Il nous livre une longue déclaration d’amour dont il fit un récent édito sur ce modèle. « J’ai attendu des années avant de m’autoriser le droit de rêver à ce bonheur indicible, confie-t-il. Puis un jour, j’ai enfin budgété le modèle de mes rêves. J’ai fini par le trouver dans une concession Aston Martin. Où les British dédaigneux l’avaient lâchement remisé en sous-sol. C’était un V12 moteur avant. Une déesse de la route belle à croire en Dieu. Il m’a donc fallu dévaler trois étages remplis de David Brown avant que je puisse enfin la caresser des yeux.

Pour entendre feuler la Scala

Lorsqu’elle m’est enfin apparue, perdue, presque bannie dans le fond du box où on l’avait recluse, mon cœur n’a fait qu’un tour. Elle était noire métallique, cette beauté. D’un black luisant presque, qui la faisait ressembler à une panthère prête à bondir. Campée, ultra-basse sur ses Michelin de 18’. Je me suis assis dans ses sièges chausson aux pommes. J’ai fait hululer son démarreur Nippon Denso. Puis, quand j’ai entendu feuler la Scala, j’ai perdu la tête. J’ai oublié tout ce que j’avais accumulé d’expérience en 30 ans. Je l’ai achetée. À peine plus cher qu’un Scénic mazout neuf full cuir. Mal entretenue, il s’est produit ce qui devait arriver. D’abord, elle a senti très fort l’eau de cuisson des pâtes. Odeur témoignant d’une fuite inaccessible sous l’admission. Puis c’est l’embrayage qui m’a laissé tomber. J’étais furieux. J’aurais dû annuler la vente. Mais, je n’en ai pas eu le courage. Avec mon italienne, j’étais rentré dans la peau de ces soupirants transis qui tombent sous le joug de cantatrices à sang chaud. Amantes magnifiques, mais dont l’odieux caractère les rendent imprévisibles. 

575 M

Quand elles ont fini de crier — ou de casser la vaisselle — il ne reste alors aux pauvres amoureux, qu’une solution pour admirer leurs divas.  Attendre qu’elles tombent de sommeil. J’étais donc bel et bien propriétaire d’une Ferrari… En panne. Et, je n’avais plus un flesch pour la réparer. Mais, je pouvais descendre admirer ma prima donna qui dormait au parking. On pourra donc toujours parler de la piètre fiabilité des italiennes. Des cuirs carpaccio qui flétrissent au soleil ou des comodos de Fiat Punto en cligno. Tous ces défauts n’enlèveront jamais rien au caractère unique de ces icônes. D’ailleurs, quiconque n’en a jamais possédé une ne pourra pas comprendre ce que l’on ressent à leur volant. Et, surtout, ce qu’elles sont vraiment. Des condensés d’envoûtement. De la dévotion fiévreuse. Du genre de celle qui vous dévore et vous transporte. Le danger dans l’existence n’est finalement pas de vivre son paradis. La vraie détresse, c’est un jour d’arrêter de le rêver ».

RB

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