Jaguar Type E (EA2), la compétition avant la série
1960, Les premiers tours de roues de la EA1 salués par la presse anglaise, ont donné des ailes à l’usine Jaguar. A Coventry, on est donc convaincu qu’il est urgent de transformer l’essai. Et c’est tout naturellement qu’on envisage de fabriquer un engin capable d’aller porter les couleurs de la marque sur les circuits. Qu’importe si Jaguar s’est retiré de la compétition après ses trois victoires aux Mans en 1957, William Lyons et William Heynes connaissent la valeur des succès glanés en compétition. Ils savent aussi à quel point ils sont capables de booster les ventes. Ils ont beau être très occupés par la construction des berlines Mark VIII et des XK150, ils gardent tous deux un œil sur la piste. Crime de lèse-majesté ou terrible négligence, le prototype initial EA1 (surnommé aussi XK101) a été démonté début 1959 ! Il en faut bien plus pour décourager les ingénieurs du département expérimental.
En quelques semaines, ils vont reconstruire une véritable voiture de course encore plus élaborée. Esthétiquement, celle qu’on nomme déjà la EA2 a toujours un nez exagérément long, mais il est désormais perforé de louvres. Des ouïes destinées à faire respirer la mécanique. Aérations auxquelles on a ajouté des écopes pour le refroidissement des freins avant. A l’arrière, la marque a décidé d’affubler son fauve de la célèbre dérive en aileron de requin qui fit le succès de la Type D. Deux grosses prises d’air sont disposées de part et d’autre de la crête de queue. Le cockpit reste ouvert, quant à lui, mais il est rendu accessible par deux portes. Côté moteur, on a laissé tomber le 6 cylindres 2.4l trop poussif et on a développé un nouveau 3 litres à injection développant près de 300 ch et entraînant une boîte de vitesses à cinq rapports en aluminium.
C’est de nouveau à Ted Brookes, chargé de la construction de la voiture, que revient l’insigne honneur d’essayer le nouveau fauve dès sa sortie de l’atelier. Autre temps, autre mœurs, c’est encore sur la route que EA2 fait ses premiers essais le samedi 27 février 1960. Le lendemain, c’est au tour de William Heynes de la conduire également à l’extérieur de l’usine. Dès le lundi matin elle est même emmenée sur le circuit MIRA. Norman Dewis, le pilote essayeur est assez déçu par ses performances. Il sort même de son cockpit avec une liste d’améliorations longues comme le capot de son destrier.
Objectif le Mans
Même si on ose à peine en parler, à Coventry on ne nourrit qu’un espoir, pouvoir participer à l’Edition des 24 Heures du Mans 1960. Mais la course est en juin et les essais quelques semaines avant. Il faut donc faire vite. Norman Dewis a du réseau. Il contacte une vieille connaissance, Briggs Cunningham. Cet ancien pilote et constructeur de voitures Américain n’a pas de voiture, mais il a un sacré pilote Walter Hansgen et un mécanicien exceptionnel, Alfred Momo. Chez Jaguar, l’américain n’est pas un inconnu, la firme lui a déjà fourni des Types D soigneusement préparées par l’usine. C’est donc tout naturellement que Heynes propose au veinard d’étrenner sa nouvelle auto sur le circuit du Mans. L’américain accepte immédiatement. La E2A sera donc préparée pour la célèbre course de 24 heures, mais à titre privé et avec l’objectif précis de tenir simplement la distance.
Dès février, on passe la vitesse supérieure. Des essais intensifs sont effectués sur le circuit du MIRA. La boîte de vitesses à cinq rapports, qui posait problème, est remplacée par une unité de Type D à quatre rapports entièrement synchronisés. Les pneus, les suspensions, les barres antiroulis et une myriade de petits éléments sont également passés au crible et emmenés à la limite. Les essais du Mans sont prévus le 8 avril, la EA2 y pointe son joli nez à peine poudré. C’est-à-dire, même pas peinte ! Ça n’est qu’à son retour en Angleterre que la belle retrouvera les couleurs de son écurie, blanc et bleu.
Le bilan des essais a été prometteur. Le pilote Walter Hansgen a frôlé les 280 km/h en pointe sur « Mulsanne straight », le surnom que les anglais donnent à la ligne droite des Hunaudieres. Il a même réalisé un temps au tour de 4 min 8s, pas si loin donc de la Ferrari de Phil Hill à 3 min 58s. Deux jours de folie qui ont marqué à jamais Dan Gurney, son autre pilote un ancien de chez BRM. « Le pilotage de cette Jaguar était incroyable, se souvient -il avec émotion, d’abord c’était un privilège de pouvoir partager son volant avec Walt Hansgen, un de mes héros. Ensuite, la voiture était sensationnelle, mais elle souffrait cependant de quelques problèmes de tenue de route… ».
EA2 est instable lors des changements de direction et les deux pilotes ne doivent régulièrement leur salut qu’à leur talent. « L’auto avait été très peu testée, et les réglages réalisés sur le circuit anglais du MIRA étaient très spécifiques. Il a fallu beaucoup d’insistance afin de convaincre les ingénieurs anglais (très sûrs de leur expérience au Mans) de changer leurs réglages. Dès que le carrossage a été modifié la voiture est devenue géniale à conduire ». Pendant la course, Hansgen parvient même à hisser la Jaguar en troisième position, pas loin des Ferrari Testa Rossa et des Maserati Birdcage de la scuderia Camoradi. Mais au 89ème tour, la EA2 doit abandonner pour des problèmes d’injection et un piston crevé. Pas grave, la bête a prouvé ses capacités. Et Cunningham apprécie tellement l’auto qu’il demande à Heynes de l’emprunter pour la faire courir aux États-Unis. Jaguar l’équipe alors d’un moteur XK de 3,8 litres et en août, elle est expédiée à New York.
Pour abriter le moteur plus grand, le capot est re-carrossé d’un bossage qui deviendra par la suite la signature de la Type E. C’est un succès, la Jaguar remporte la course de Long Island. Pour la course Road America 500 sur le circuit routier d’Elkhart Lake dans le Wisconsin, l’auto est équipée d’un réservoir supplémentaire installé derrière la roue de secours, pour économiser les arrêts au stand. Walt Hansgen se retrouve rapidement en deuxième position derrière une Ferrari pilotée par Augie Pabst. Malheureusement, l’EA2 perd une place et termine troisième. Los Angeles Times Grand Prix à Riverside, Pacific Grand Prix à Laguna Seca… Les grandes courses de la côte ouest s’enchainent et l’usine parvient même à s’offrir les services de Jack Brabham, double champion du monde récemment couronné, pour piloter l’EA2. Même Bruce McLaren se retrouve à son volant !
La EA2, abandonnée puis repeinte
Toutes les belles choses ont une fin et la Jaguar auréolée de quelques victoires américaines finit par rentrer au bercail. A Coventry on n’entretient pas encore les légendes, trop occupé à finir de mettre au point la Type E de série dont la sortie est prévue pour l’année 1961. On va donc stocker dédaigneusement la EA2 jusqu’en 1966, date à laquelle, elle sera nettoyée et repeinte British Racing Green afin d’en faire un leurre pour la presse obsédée par la sortie de l’XJ13, un prototype secret.
A peine ressortie déjà remisée. Un homme va tout faire pour la sauver d’une mort annoncée. Roger Woodley. L’ancien responsable des voitures de compétition chez Jaguar, est déterminé à la sauver. Lui et sa femme Penny se rendent donc directement chez « Lofty » England – le PDG de Jaguar Cars Ltd – afin de le persuader d’envoyer l’auto légendaire chez un certain Guy Griffith propriétaire du Camden Carden Collection museum, afin qu’elle soit exposée au public plutôt que d’être envoyée à la ferraille. La famille va la garder religieusement pendant 40 ans. En 2008, EA2 réapparait et finit par être vendue aux enchère pour 4.5 millions d’euros. Une somme ridicule au regard de sa valeur réelle estimée aujourd’hui à plusieurs dizaines de millions. Elle coule désormais des jours paisibles aux mains d’un riche collectionneur autrichien qui l’a ressortie à l’occasion du Mans Classic 2010 pour le 50e anniversaire de sa première apparition sur le circuit de la Sarthe. La EA2 restera dans l’histoire bien plus que le brouillon de la Type E. Mais bel et bien la voiture de course qui engendra la plus belle voiture du monde.
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